La douce brise flirta avec la fine couche de tissu de la tente. Les bougies tremblèrent sous l’impact de ce vent nauséabonde alors que le jeune guerrier ferma les yeux, les genoux entrelacés dans une pose maritale symbole de concentration. Regard clos, le néant s’emparait doucement de son corps. Rapidement, la voix pastorale d’un homme vieillissant s’empara de son corps, provoquant un léger tremblement. Il frissonna dans cette obscurité qu’il s’imposa de lui-même.   « Maîtrise ton esprit, et le corps suivra » répétait la voix avec une violence ridée qui devenait oppressante. L’envie d’ouvrir les yeux se faisait pressante. Comme une rage intérieure, le garçon devait se maîtriser. Ce self-control, il l’avait appris au péril d’un entraînement sacré. Son léger kimono témoignait d’un insigne dégradant avouant son origine peu flatteuse. De basse extraction, il était né dans la boue. Les regards s’étaient posés sur lui avec un dédain qu’il maudit immédiatement. Fierté ou orgueil, il se jura de quitter la boue car Dieu avait un autre plan pour lui. Guidé par la voix d’un moine aussi fou qu’extrémiste, il sut immédiatement qu’il avait un destin, qu’il était choisi. Alors, il s’imposa cet entraînement. Difficile. Violent. Mais c’était un mal nécessaire. Ainsi, la terrible noirceur de son âme s’incarna avec une vérité atroce : il devait être meilleur que les autres. Rage et désespoir firent de lui un terrible chasseur, au prix d’un entraînement quotidien rigoureux. Il épousa rapidement ce néant qui brimait son regard. C’est ainsi qui s’entraînait, c’est ainsi qu’il nourrissait sa rage.

La rage, douce couleur de son âme, avait pris la place de la colère. Le poing serré, il maîtrisait froidement ce sentiment d’exaspération qu’il nourrissait abondamment avec des pensées nauséabondes. Le néant devenait une part de lui-même, une part où seul Dieu pouvait s’exprimer. Illumination doucement méditée, il desserra son poing. La colère ne quittait pas sa peau frémissante. Ses doigts vinrent doucement caresser le cœur de sa vengeance. Son hostilité grandissait quand les doigts s’acharnèrent sur la corde tendue de l’instrument de la répulsion d’une mécanique ancienne. Puis, ils bondissaient doucement vers la poupée, tremblant vers l’infime poignée. D’un rouge vermillon, celle-ci témoignait le passage d’encoche certaine, comme un rite de passage à l’image de sa croix ancrée. Puis, brutalement, le calme devînt tempête.

Le garçon bondit. Sauvage. Puissant. Colérique. L’arc se tend avec répulsion. La flèche épouse l’encoche, et l’œil hagard vise sans perdre de temps. Le terrible garçon n’hésite pas. La flèche file au vent, ne laissant qu’un bref souvenir son comme témoin de son passage. Avec force, la bougie heurte à la colère feinte de cet homme illuminé, de ce terrible maître du chaos, de ce calme calculateur de la mort. Dans son esprit, les bougies deviennent de métalliques pièces d’une société fétide qu’un Divin Être lui a confié la mission d’anéantir. Non sans plaisir, il détruit ce cœur solide enflammé. Avec force et aigreur. Ainsi est Magnus le terrible. Il bondit, saute et s’armant d’un unique arc comme témoignage de sa folie meurtrière. Mais peut-on parler de meurtre lorsqu’on sauve la société. Son esprit ne s’embrume pas des débats sémantiques. Un androïde est l’ennemi au regard de Dieu, alors son pas est certain. Il marche vers leurs destructions, et en perçant ce corps imaginé, il avance vers la propre destruction. De milles sortes sont ses flèches, le sauveur de l’humanité s’incarne à travers elle. Contondante, elles sont faîtes avec une silex. Plus lourde, leurs impacts est agressif. Sifflante et perçante, elles heurtent la plus fine couche de métal. Explosive, elles expriment une colère divine dans un souffle de feu. La plus noble et la plus ancienne des armes est son compagnon. Héritage d’une histoire dont il se revendique le gardien, il n’a peur de rien. De la mort, il ne demande qu’à l’épouser. Et les fines particules de sueurs de cet entraînement intensif n’en sont que le symbole : il est prêt à mourir pour sa cause.

Puis, le garçon mime le combat rapproché. Arc en main, il bouge comme un antique boxeur. Il protège son corps, tient bon, seul. Seul car nul ne peut suivre son rythme effréné. Seul parce que sa confiance est sa sainte protection, son antique relique dont il n’accorde la garde qu’à de rares élus. Seul, parce qu’il se veut prêt. L’ennemi ne doit pas savoir ce dont il est capable. Jamais. Et l’ennemi est partout. De l’androïde à l’humain complaisant, ils sont l’adversaire de l’Humanité. Et dans un souffle brutale, c’est avec une lame dérobée qu’il frappe cet ennemi fantomatique. En secret, il laisse les bougies s’éteindre pour épouser à nouveau l’obscurité. Il perd sa rage floral, s’anime à nouveau d’un esprit calculateur, le souffle hésitant. Il pense aux siens. Il se voit guide. Il se voit comme l’élu. Mais comme une fleur perdue dans une ère glaciaire, il sait que sa destiné fleurira bientôt.