Un bruit sourd retentit, un bruit fracassant par la suite puis un enchaînement d’autres chutes. Les pierres ont continué de chuter en cette nuit de 2537. Tous les habitants de la Ruche s’extirpent violemment de leurs draps pour s’enquérir de la situation. Par chance, aucune vie n’a été prise ce soir-là. Le souffle court, Killian comprend que l’humanité ne peut rester ici. Les éboulements et autres problèmes ne cessent de subvenir, des vies ont été brisées tandis que d’autres épargnées grâce à un ange gardien, sûrement. L’écossais ne croit plus en rien, si certains ont échappé à la mort, c’est par simple coïncidence. La dureté de la vie l’a poussé à abandonner toutes les croyances apprises lors de son enfance. Si un dieu existait, il n’aurait pas fait subir à sa création de telles atrocités. Si une entité existait réellement, les larmes ne couleraient pas, les cœurs ne souffriraient pas. Alors oui, cet abandon de foi n’est dû qu’à une accumulation de mauvaises nouvelles, d’une douleur latente qui ne le quitte plus depuis le décès de celle qu’il aime. Qu’il a aimé éperdument. Parfois, il a la sensation de l’apercevoir, entre deux silhouettes, elle est là, comme une apparition, tellement réelle que le désir de la toucher l’étreint. Mais en s’approchant de quelques pas, la réalité reprend son droit et sa dulcinée s’évanouit, lui rappelant qu’elle n’est le résultat que de son imagination. L’odeur de fraise de ses cheveux titille toujours ses narines, éveillant de lointains souvenirs dotés de sourires et de rires. Le temps n’est qu’un voleur, il ne fait aucune distinction, prend sans redonner par la suite. Il n’est qu’un voleur, le seul que l’on ne punit pas pour cela d’ailleurs.

Cette soirée sera la dernière au sein de la Ruche. Les humains sont désormais obligés de partir, laissant derrières-eux de nombreux matériaux, dont des véhicules, inaccessibles à cause des chutes de pierres. Malgré toute la bonne volonté des hommes les plus musclés, ils ne sont pas parvenus à bout. Killian est borné, têtu même, mais face à dame Nature, nul ne sert de se fourvoyer et de lutter. Pour sûr que cela, l’écossais le sait par les nombreux récits de son père dont le petit a hérité l’amour de la nature, de la beauté des plaines vertes imaginées seulement dans sa tête. Les montagnes et de la verdure à perte de vue. Les montagnes sont-elles encore vertes aujourd’hui ? Sûrement pas.

La Ruche n’est plus qu’un lieu dangereux qui menace de s’effondrer dans sa totalité. Leur maison devient beaucoup trop dangereuse. Mais la route qui les attend l’est bien plus. Pendant un an, ils errent, les riches, les pauvres, tous sont dans le même bateau et se battent pour survivre. Newhill les accueille, les androïdes. Epuisé du voyage, Killian se retrouve face à l’une des « machines ». Ses opales la détaillent, les androïdes ressemblent terriblement à ses congénères que s’en est troublant. D’un premier coup d’œil, il serait pardonnable de se tromper quant à sa nature. C’est donc d’abord la curiosité qui s’imprègne de notre homme dont les opales claires ne quittent pas l’androïde. Le trentenaire a toujours entendu parler des androïdes, de manière négative. Que ces derniers ne sont que des tas de ferrailles dénués d’émotions. Des sauvages dont il faut se méfier. Et pourtant, à présent, ces derniers les accueillent à bras ouverts. Après tant d’années où il prétendait les connaître, sa méfiance semble peut-être s’estomper alors que sa voix, presque livide par le choc et probablement la fatigue retentit enfin. « Killian. » Sans passer par quatre chemins, c’est ainsi que fonctionne le bouclé, les interactions sociales ne sont pas son fort, encore plus avec un androïde. Une dualité s’engage alors dans son esprit. Doit-il considérer ces êtres comme bienveillants ? Méritent-ils un tel traitement ? Qui sont-ils réellement ? Curiosité maladive éveillée par cette rencontre et cette main tendue, nul n’oserait la refuser. Murray est un homme de fierté mais pas stupide. Ce jour-là, son esprit fermé à la technologie s’est laissé gagner par le doute. Et si ces androïdes n’étaient pas si mauvais que ça après tout ?
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