Avēdis EA-7116 DEVIANT | CITOYEN LIBRE
| kiss the sky and whisper. (bébé), Mar 27 Nov - 23:17 | |
| K I S S T H E S K Y A N D W H IS P E R avēdis & bébé au moins il n’avait pas à se cacher, avant. quand le monde n’était pas encore devenu fou. après la prison originelle, le code-barrière qui entravait son esprit, il reste toujours une nouvelle muraille. la liberté n’existe vraiment que dans les rêves des autres. il est incapable d’imaginer pour l’instant ce que ça signifie. de réaliser ce que ce serait d’arrêter de se poser des questions pour juste sourire, se battre pour un monde meilleur, observer la beauté qui malgré les tempêtes millénaires demeure. tout ce qui tient encore debout aujourd’hui est peut-être un miracle. lui y compris. mais la déviance, cette sale bête, a fait de lui une créature indéfinissable qui n’appartient à aucun des deux mondes et ignore où elle va. si son cœur était capable de délirer comme celui des humains et que son estomac pouvait se tordre comme une vieille éponge que l’on essore trop fort, il serait probablement déjà en train d’enchaîner les crises de panique. mais au lieu de ça il erre hébété dans une partie de la ville qu’il ne connaît pas et qu’il n’aurait jamais pensé visiter un jour. un fantôme au milieu des parias. rien qu’une ombre. et ce n’est pas vraiment pour lui déplaire. le voilà qui se rapproche un peu plus du mur. il espère s’y fondre, peut-être même s’y confondre. oubliez-moi car ça ne compte pas. des prières qui s’envolent sans arrêt. mais faites à qui ? si le soit-disant dieu des humains n’a pas su les sauver d’une extinction massive quasi totale, que ferait-il pour un robot ? un sage chien à la solde d’un système connecté, préfabriqué, industrialisé. pas d’âme. même pas de souffle. tout est un odieux mensonge. et il aurait préféré ne jamais s’en rendre compte. aujourd’hui le voilà capable d’observer tous les fossés. et plutôt que de sauter de toutes ses forces pour les traverser comme certains « héros », il est plutôt tenter de s’y jeter pour que le tourbillon impitoyable cesse. il regrette le jour où tout n’était qu’une suite d’analyses. toujours les mêmes jours après jour. un confort puisé si simplement dans une routine dont il n’avait même pas conscience. aujourd’hui il faut recevoir les informations. toutes. elles sont bien plus nombreuses qu’avant et frappent comme des coups de poings. s’il était humain il serait probablement plié en deux à l’heure qu’il est, à cracher du sang sur le sol, simplement parce que ça fait trop mal. mais ça impliquerait d’être vivant. qu’est-ce que c’est pour une jolie machine d’usine que d’être vivant ? rien ; car ça n’existe pas. la certitude est plus forte que le reste. et la peur la suit de près. que vais-je devenir ? quel rôle pour moi dans tout ça ? comme à chaque fois qu’il se met à penser trop - sans doute son pire défaut si défauts on peut trouver chez un androïde - il ne peut contenir un rire amer. et la colère. folle, dévastatrice, crue. plus écrasante que la lumière d’un vieux néon qui clignote inlassablement jusqu’à s’éteindre pour de bon. c’est la bouilloire qui a atteint une température trop élevée et menace de déborder. avoir si mal ça sert à rien. c’est impossible à calculer ça pour le coup. tout n’est peut-être finalement pas si prévu dans les paramètres. ils ont tous l’air si heureux d’être enfin capable de vivre, alors pourquoi pas lui ? pourquoi est-ce que l’angoisse lui colle aux circuits et lui hurle de courir à toute vitesse. partir pour ne jamais revenir. s’enfuir parce qu’ici plus rien n’a de sens et n'est fait pour lui. parce qu’il a perdu tout ce qu’il connaissait jadis. il ne peut s’empêcher de se sentir orphelin. nom masculin. enfant qui a perdu son père et sa mère, ou l'un des deux. rien de tout ça n’existe dans son monde à lui. c’est quoi être orphelin ? ça le met d’avantage en colère. des tas de mots qui gravitent dans sa tête et dont il connaît par cœur la définition mais qui ne veulent finalement rien dire car impossible de les lier à des situations concrètes. il prend doucement sa tête entre ses mains. ça fait boum boum dans ce qui lui sert de cerveau. comme le sang qui pulserait dans les tempes de quelqu’un fait de chaire avant l’explosion finale. l’armagueddon. une pluie de couleurs. ces couleurs qu’il voit bien mieux qu’avant mais qu’il n’arrive toujours pas à déchiffrer. bleu c’est pour le calme. rouge c’est pour la passion. état affectif et intellectuel assez puissant pour dominer la vie mentale. mais qu’est-ce que c’est vraiment ? une larme d’incompréhension roule le long de sa joue. sans doute est-elle moins amère au goût que celle d’un humain, et pourtant elle reflète tout ce qu’il y a de plus âpre dans les tourments d’avēdis. il déteste le fait de pouvoir pleurer. ça n’a pour lui aucune utilité. alors il se tourne. il donne un violent coup dans le mur de la main droite. il s’empêche de hurler de rage pour ne pas attirer l’attention outre mesure ; car il faut demeurer un fantôme. et pourtant la frustration a besoin de sortir. il jette un regard distrait à sa main. abimée. une mince éraflure bleue. encore le bleu. il se dit que ça passera peut-être. que chez les humains les cauchemars ont théoriquement une fin. et il glisse contre le mur puis se roule en boule. il est beau le robot, secoué de mille sanglots. |
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