La pointe taillée de son bâton s’enfonce dans la terre rocailleuse, écorchant un peu plus ce qui est censé servir de soutien à l’homme qui mène la troupe. Sous son épaisse capuche brillent deux gemmes presque argentées, posées sur ce qui semble enfin être une ville. Alors c’était vrai, songe-t-il. Ils sont là. Le chef de file lève le menton, et laisse tomber sa capuche contre sa chevelure blanche. Son regard parcourt les hommes et les femmes qui se tiennent devant lui. “C’est ici.” Sa voix grave roule contre les tympans des dizaines d’humains qui l’ont suivi au travers d’une nature tantôt sauvage, tantôt désertique.


Ils sont plusieurs analystes dans la pièce, mais un seul prend la parole. “Les ressources de Thirium 310 ne sont plus suffisantes pour prendre soin de tous les androïdes endommagés.” Une minute de silence, après que l’analyste ait rendu son rapport. Le regard électrique d’un membre du conseil se pose sur la ville en contrebas. Un comportement hérité des humains, ces mêmes humains qui détruisent ce qu’ils ont créé. Qui détruisent tout, absolument tout. Le cercle de lumière à la tempe de l’homme brille du bleu au jaune, comme celui de ses congénères, attablés. La connexion se fait entre tous les dirigeants, des données sont analysées, des décisions rejetées sans qu’ils n’ouvrent la bouche. Et puis l’un d’eux prend la parole. “Il ne faut pas laisser les humains continuer. Ils ont détruit la terre, les humains sont un fléau.”


Le bruit de dizaines de bottes lourdes se fait entendre contre les pavés de la ville. Certains humains les entendent, et se précipitent près des fenêtres, à l’extérieur, pour voir ce qu’il se passe. Ce sont les androïdes, et ils sont venus pour eux. Le sang bleu ne coulera plus, c’est inacceptable. En quelques secondes, les rues sont pavées d’une autre couleur. C’est le carmin qui teinte la perfection des trottoirs immaculés.


Le Thirium 310, ce fluide bleuté composé en grosse partie de Thirium, une ressource uniquement trouvable dans les sous-sols de l’Arctique. La clé de la vie des androïdes. Appelé le “sang bleu” par les humains, ce fluide est d’une importance capitale pour les machines humanoïdes. De plus en plus d’androïdes sont retrouvés morts aux portes de la ville, leur sang bleuté tâchant la neige et les parfaites structures de leur ville ultra-moderne. C’est la guerre qui a été déclarée, la guerre pour la terre.