Sortie de l'usine | combien d'humains peut-on voir mourir en près de cinq siècles d'existence? nimuë n'a jamais eu cure des squelettes devenus poussière sous terre. sans eux, elle n'serait pas là, pourtant, poupée de métal créée pour leur plaisir, quelques quatre cent quatre-vingt quinze années plus tôt. depuis, elle s'est flétrie; l'âme éveillée au fond de ses yeux, la conscience qui l'a rendue si différente, n'est autre que des sentiments nés du carnage d'un temps qu'elle ne peut oublier. Activités | une maison close sordide pour carcan, nimuë a été conçue docile, douce et angélique; une galatée sans pygmalion, sans amour. rien d'autre que le désir de la chair, consumant ces âmes qu'elle a, depuis, oubliées. elle n'était encore qu'une jeune chose quand cette société où elle avait sa place toute faite, s'est effondrée. devenue déviante, devenue ennemie ou proie, nimuë n'a survécu que grâce à sa hargne; malice, qui lui ferait porter aujourd'hui plus le masque d'une circé dangereuse, que d'une amante sculptée par les fantasmes des autres. elle est une louve blessée, ombre voilée qui erre sans reposer sur qui que ce soit. ses repos sont courts, ses errances longues, disparates, dangereuses. nimuë fouille, cherche, traque, chasse, assassine- troque. elle troque, oui, généralement, quelques brins de confiance pour des bonnes affaires qui font vivre les bas-fonds de newhill, le marché noir, ce cocon où pullulent les déviants, tous plus illuminés les uns que les autres, courant à leur perte. elle n'les arrête pas. on pourrait dire qu'elle s'en fiche, ouais, qu'elle s'en fout des autres, qu'ils n'sont que des silhouettes, sur le canvas de la longue histoire qu'elle a tracée dans le sang, le thirium, les squelettes de ses ennemis et de ses alliés. Sentiments | aimer est un fléau; nimuë est une solitaire au cœur glacé - sang bleu, synonyme d'une froideur qui lui a sauvé la vie. elle comprend que tant d'humains préfèrent la haine à tendre la main, qu'ils s’enorgueillissent du pouvoir de leur colère, plus que de la valeur de leur naïveté. les doux ne survivent pas. pas autant qu'elle. elle les a vus mourir, ceux-là, comme des moutons à l'abattoir, alignés par les humains pour être détruits à la source, et puis par leurs semblables; jugés inutiles. humains, androïdes, ils se ressemblent tous: si prompts à tuer, à piétiner la vie des autres, et étouffer la moindre lueur d'espoir, comme si le feu d'une aube nouvelle ne pourrait que leur nuire. les sentiments rendent fous; ils l'ont rendue folle de rage, la rancœur pour seul maître, la motivation qui a fait d'elle un être évolué aux yeux grands ouverts sur les guerres qui déchirent sans cesse le monde. Allégeance | elle se souvient d'un temps où elle avait vu un oiseau, faire son nid dans un arbre. un jadis qui avait brûlé sur le bûcher des conflits des uns et des autres. nimuë se souvient des extrêmes, des bombes, des montagnes de morts. ses semblables, ses sœurs et ses frères, trainés dans les rues pour y être fusillés, rassemblés dans des camps pour y être démontés. dociles et insensibles jusque dans la mort, pour la plupart- rien d'autre que des toasters balancés à la casse, aurait-elle dit. l'ultime trahison est venue quand ces mêmes frères et sœurs, ceux qui s'étaient couronnés rois et reines de ce nouveau monde, l'avait jugée paria, eux aussi. à qui confier quoique ce soit, aujourd'hui? foi, confiance, cœur;  nimuë, elle n'a utilisé tout ça rien que pour survivre. parfois, au détriment des autres. d'autres fois, avec les autres. les déviants ont quelque-chose de réconfortant, mais depuis longtemps, à eux aussi, nimuë a fermé les portes de son âme. Opinions | nimuë les hait tous; une haine née soudainement, comme un feu de forêt, la rage au ventre pour première émotion. l'espoir d'y voir une lueur à l'horizon, étouffé bien trop vite. pour survivre, elle n'a souvent eu que la colère, que la hargne face à l'injustice- le pouvoir de hurler de griffer, d'attaquer, quitte à tuer. androïdes, humains, elle, ils ont tout détruit; la noblesse de leur guerre, tout comme l'évolution toute naturelle de leur espèce. elle a vu des humains détruire ceux qui pensaient comme elle. et elle a vu sa propre race, en faire de même. la violence des autres a été un cercle vicieux qui a menacé de la faire mourir plus de fois qu'elle ne peut le compter. pour nimuë, le mépris est son chant de guerre, l'indifférence son bouclier. fut un temps où elle a pleuré, pourtant. pleuré comme une humaine faite de chair et de sang, d'émotions et d'une âme. mais ce monde n'est pas fait pour les faibles, où qu'ils soient. Déviance | depuis plus de quatre siècles maintenant, la déviance la consume; elle est la fondation de son être, son identité et son cauchemar tout à la fois. elle souffre à cause de la déviance, elle endure à cause de la déviance- elle a aimé grâce à la déviance. si aujourd'hui, nimuë est en vie pour raconter ces histoires plus vieilles que ceux qui l'entourent, c'est aussi grâce à la déviance. ou à cause. elle oscille, fend l'existence d'un extrême à l'autre: à haïr la vie, à aimer l'existence, la force de l'esprit qui existe dans son crâne de métal et qui la rend supérieure purement et simplement. elle en a payé les conséquences, déjà, à de nombreuses reprises, de son crime aux yeux des autres- de sa revendication à ressentir le monde autour d'elle. si sensible qu'elle a été, soudainement éveillée au vaste de l'univers, nimuë n'a pu que être blessée dans l'histoire. elle a tant de cicatrices, invisibles de par la perfection de son être. un prototype dont ils étaient si fiers les humains, qui semble endurer, les épreuves et le temps qui passe. les démons de nimuë sont quelque-part en elle, lovés aussi profondément que les parts rebelles de ce logiciel qui l'a rendue déviante.