La situation commençait à devenir critique. Le sang bleu qui s’échappait de la plaie de l’androïde maculait son costume jadis impeccable, et teintait ses doigts d’une substance visqueuse, désagréable au touché. Le brun se sentait de plus en plus fatigué. Conscient qu’il allait s’éteindre si il ne trouvait pas rapidement quelqu’un pour le soigner, il fini enfin par pénétrer à l’intérieur de la ville. Bien qu’on l’aurait soigné sans problème, l’analyste décida de ne pas se rendre au centre des techniciens. On lui poserait des questions, analyserait sa mémoire et on se rendrait compte qu’il était sorti dans le but de voir une humaine, avant d’être presque kidnappé par une autre. Quelque part, Nolan savait qu’il fallait mieux garder ces informations secrètes. Pourtant le brun savait aussi que la guerre était une solution. Il avait fait partie de ceux qui en était arrivé à cette conclusion. Mais en contact avec l’humaine, il n’avait pas su se résoudre à la laisser mourir, ou carrément à la tuer. Elle déclenchait chez lui des réactions étranges, et désormais, il avait le sentiment de devoir échapper à quelque chose. Sans savoir à quoi.

Ses pas le menèrent jusqu’à l’appartement de Vesta, une technicienne qu’il connaissait depuis aussi loin qu’il s’en souvenait. Elle aurait bien pu être celle qui l’avait assemblé, le brun n’en avait aucune idée. Il sonna à la porte, laissant une trace de sang bleu contre le mur, et sur le bouton de la sonnette. « J’ai besoin d’aide. » parvint-il à annoncer quand il entendit le bruit de l’interphone qui se déclencha.

Sans raison apparente, Vesta avait perdu le fil du temps ce soir-là. Elle avait sorti son chien mécanique au parc en bas de chez elle, et la nuit était tombée rapidement, imposant son obscurité sur la ville de verre. L'androïde avait levé le regard vers les étoiles et s'y était perdue un moment. Elle pensa à ces humains qui, plus d'un demi-millénaire auparavant, avaient été les premiers à marcher sur la Lune. Et si la solution se trouvait là haut, dans le néant du cosmos? Et s'il suffisait simplement de partir, pour que la Terre trouve enfin la force de se soigner? Vesta n'en savait rien, elle n'avait rien d'un modèle Dirigeant, ces décisions ne lui appartenaient pas. Mais une part d'elle était curieuse de savoir ce qu'il y avait, au delà de cette planète malade. L'animal cybernétique jappa à ses pieds et la sortit de ses songes. Ce n'était qu'à ce moment là qu'elle devint consciente de l'heure tardive et se décida enfin à retourner à son appartement. Elle prit le train aérien, déjà désert à ce moment de la journée. La majorité des androïdes devaient déjà être en veille depuis un moment. Sa diode clignota jaune quelques secondes. Elle s'inquiéta de ne pas être chez elle comme à ses habitudes. Que se passerait-il si on la surprenait? Rien du tout, il n'y avait aucune loi qui l'empêchait de sortir son chien.

Lorsqu'elle atteignit enfin son appartement, elle se mit en veille immédiatement. Son repos artificiel fut cependant de courte durée car la domotique de sa résidence la réveilla en lui annonçant qu'on sonnait à sa porte. Une image s'afficha sur le mur en face d'elle, Nolan était en bas, et il avait besoin d'elle. « J'arrive. » dit-elle simplement. Elle autorisa immédiatement son entrée, et se dirigea d'un pas pressé vers la porte d'entrée qu'elle ouvrit au plus vite. Son système d'analyse s'était déjà mis en route alors qu'elle découvrait son ami sur le pas de la porte. Visiblement, il avait été victime d'une machine de guerre, elles étaient les seules à pouvoir infliger ce genre de blessures. Vesta en avait tellement vu pendant ses dix-sept années de fonctionnement que son système les détectait directement à présent. L'androïde ne posa pas de questions. Elles viendraient ensuite, à cet instant, il y avait plus urgent. Elle se plaça aux côtés de l'analyste pour le soutenir. « Viens, on va se mettre à la cuisine. » Elle l'emmena jusqu'au cœur de l'appartement, comme les humains se plaisaient à l'appeler jadis. Chez les androïdes, la cuisine faisait simplement office de décoration. « Assied-toi là. » dit-elle en l'installant sur une chaise. Elle ouvrit un placard pour en sortir une boîte métallique qu'elle posa sur la table avant de l'ouvrir. A l'intérieur, du matériel chirurgical parfaitement stérile, et quelques petites pièces de remplacement. Le regard de Nolan semblait s'éloigner de plus en plus. « Reste avec moi, d'accord? J'en ai pas pour longtemps. » Elle s'accroupit près de lui et commença à examiner la plaie de plus près.