let me die first or i will die twice (neizar)

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#neizar

Une légère brise vient secouer sa chevelure déjà bien emmêlée. Ses mains sont moites, elle peut le sentir, malgré qu'elles soient congelées. Neith n'avait plus rien de royal. Elle ressemblait à une intouchable avec son visage tâché de sang et de poussière. A dire vrai, elle ne sait pas vraiment à quoi elle ressemble à cet instant, et elle s'en moque. Son apparence passe après tout le reste. Tout ce qui compte à cet instant, c'est de le retrouver lui. Sa famille était saine et sauve, Adriel également, tout comme le reste de ses proches. La poupée avait réussi à obtenir des informations sur chacun d'entre eux, et pourtant, Lazar était encore porté disparu. Un être vous est arraché et la terre entière est dépeuplée. Elle sait qu'elle ne devrait pas s'inquiéter pour lui, qu'elle n'en a pas le droit. Machinalement, elle fait tourner son alliance, tout en se pinçant les lèvres.
Toujours assise sur ce morceau de métal depuis qu'elle était arrivée au lieu de rassemblement, Neith a l'impression que son cerveau va exploser. Fuir, encore et toujours. Elle en avait assez de fuir, de devoir marcher des kilomètres pour trouver quoi ? Le havre de paix tant espéré n'existe pas. La nouvelle guerre qui se profile ne la rassure pas. Et elle ne savait toujours pas où le brun était passé. Personne ne prend le temps de lui répondre. Mais elle a besoin de savoir. Elle ne pense qu'à ça. Mille scénarios se bousculent dans son esprit. Et s'il était mort ? Un jour, elle le voit passer près d'elle, et le lendemain, il n'est plus. Non, Neith ne peut pas accepter cette réponse. Lazar est un explorateur dans l'âme, un chasseur hors-pair. Il est un intouchable, et pour une fois, cela lui donne un avantage, celui de savoir se débrouiller par lui-même. Il a forcément réussi à s'enfuir lui aussi, ou bien peut-être qu'il n'était pas présent au moment de l'attaque. La poupée serre ses poings, jusqu'à laisser ses ongles s'enfoncer dans la paume de sa main. Elle déglutit lentement, mais elle pouvait sentir son rythme cardiaque s'affoler un peu plus à chaque seconde qui s'écoule. Son visage se relève brusquement alors qu'elle croit apercevoir la chevelure en bataille de Lazar. D'un bond, elle se lève, avant d'accélérer le pas en direction de la silhouette. Elle pousse quelques personnes, mais elle s'en fiche. Son regard se fronce, elle doit en être certaine. Mais alors qu'elle était proche, l'homme en question se retourne et ce fut la déception qui prit place sur son visage. Elle passe ses mains dans ses cheveux, essayant de réfléchir de la manière la plus logique possible. Mais tout autour d'elle n'a cesse de la parasiter. Le chaos a pris possession du campement provisoire, qui ne ressemble à rien pour le moment. Mais une fois encore, elle s'en moque. Son esprit ne pense qu'à une seule personne et elle n'arrive pas à balayer ses inquiétudes. Sa respiration se saccade. Son regard balaye tout autour d'elle.
La Windsor décide de fouiller chaque recoin, puisqu'il s'agit de la seule façon qu'elle a de le trouver. Parce qu'il est là, quelque part, elle peut le sentir jusque dans sa poitrine. S'il était mort, une partie d'elle serait morte avec lui. La princesse presse le pas, fouille chaque centimètre. Elle s'intéresse principalement aux endroits qui sont le plus éloignés possible des rassemblements de l'élite et des classes aisées. Le Conseil se moque de faire un recensement des intouchables, pour l'instant. Parce qu'ils auront besoin d'eux, plus tard, pour reconstruire. Le temps passe et ses recherches n'aboutissent à rien. Neith peut déjà sentir les larmes monter, alors qu'elle est sur le point de craquer. Mais son regard émeraude est interpellé par une énième silhouette. Elle déglutit, avant de s'en approcher suffisamment pour sentir un soulagement l'envahir. — Lazar.Tu es vivant.

LET ME DIRE FIRST OF I WILL DIE TWICE

neith & lazar

†

C’était la plus parfaite anarchie. Autant dans sa tête, que dans son cœur ou son âme. C’était le désespoir le plus complet. L’humanité à l’agonie. C’était des douleurs internes à en devenir fou, à avoir envie de s’éventrer. C’était le genre de truc qui laissait des traces à vie. Eternelles. Intemporelles. Des cicatrices intérieures qui ne guériraient jamais. Qui le hanteraient jusqu’à la fin de ses jours. Qui le conduiraient probablement à sa perte. Mais pour l’instant, l’Orlov ne se projetait pas aussi loin. Se contentait de regarder les autres évoluer autour de lui, prononcer des paroles qu’il n’entendait pas, lui taper sur l’épaule alors qu’il ne sentait rien. Plus rien hormis cette terrible douleur intestine qui lui nouait les entrailles, qui menaçait de le consumer de l’intérieur. Qui était sur le point de le détruire. Assis au même endroit depuis des heures. Des jours ? Des semaines ? Il était incapable de le dire. Toute notion du temps s’était envolée loin de lui. Entouré d’une bulle invisible qui le séparait du reste de la communauté humaine. Autarcie parfaite. Au milieu de la masse mais pourtant profondément seul. Il ne parlait plus, Lazar. Se contentait de grogner. N’adressait que guère la parole à ce qu’il restait des Orlov. Alors qu’ils étaient le centre de son univers. Mais c’était tout simplement impossible. Il ne pouvait pas. Ne le voulait pas, non plus. Parce que s’il ouvrait la bouche, il n’était pas certain des paroles qui viendraient franchir la barrière de ses lèvres. Désespoir ou colère ? Peine ou haine ? Parfait mélange des deux, à cet instant précis. Il était au bord du précipice, le chasseur. Et n’était pas certain du choix qu’il allait faire. Sombrer vers les ténèbres. Tenter de s’accrocher à la terre ferme. Mais avait-il réellement le choix ? Y avait-il vraiment d’autres options que celle qui se dessinait devant ses yeux, aussi radicale soit-elle ? Son cerveau semblait être au point mort, ne parvenant plus à formuler des pensées cohérentes. Et lorsque son regard ambré se posait sur ses mains d’ivoire, il avait encore l’impression de pouvoir y voir du sang. Rouge. Ecarlate. Celui de sa mère. Du soleil de son monde. De l’oxygène de son univers. Le grand amour de sa vie. Eteinte, aussi facilement que cela. Probablement dans une douleur immense, au vu des blessures qui jalonnaient son corps marqué par les années passées. Il avait hurlé, Lazar. Jusqu’à s’en arracher les cordes vocales. Jusqu’à provoquer le ciel lui-même et la divinité y siégeant. Cri de détresse le plus pur. Celui d’un deuil qui ne pouvait se faire. Un défi, une provocation. Une mise en garde. Il avait serré ce corps sans vie qu’il connaissait si bien contre lui, ses yeux s’embrasant de la tourmente la plus profonde. A partir de ce moment-là, le garçon sympathique, souriant et patient s’était éteint. Il était mort avec sa figure maternelle. Mais il était un phénix. Bénéficiant d’une seconde vie sur cette Terre minable, brisée, calcinée, qu’il haïssait. Il s’était défait de sa première peau. Devenant Autre. Un Etranger. Reflet de ce qu’il avait toujours détesté. Mais c’était pourtant la seule façon qu’il avait trouvé afin de survivre au torrent de douleurs en tout genre qui s’était abattu sur lui. Il s’était renfermé. Complètement. Coquille hermétique. Ses yeux étaient sombres, cherchant le conflit là où autrefois il ne cherchait qu’à apaiser les querelles. Les poings serrés, toujours prêts à rencontrer un visage qui semblerait hostile. Les muscles tendus, en garde permanente. Prêt pour la guerre. Pour les affrontements sanglants. Prêt à laisser toute cette rage inhumaine se déverser hors de lui. Prêt à laisser les démons s’exprimer à sa place. Prêt à détruire tout ce qu’il chérissait autrefois, tout ce en quoi il avait cru. Jusqu’à la racine. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de l’homme qu’il avait été. De l’enfant idiot et naïf qu’il avait été. Azula s’éloignait face à cette nouvelle personnalité chaotique. Et l’infâme n’avait même pas la force – ou le courage – de la retenir. Quant à Silas, s’il lui tendait la main, c’était pour le mener au cœur des flammes de l’Enfer. Et pire que tout, Lazar était sur le point d’accepter sa proposition. Tous les autres, tous ces visages familiers qui avaient un jour compté pour lui, s’étaient doucement effacés de sa mémoire. Ou du moins, se tenaient loin de son champ d’intérêt. Neith, Baz, Yskra, ils auraient aussi bien pu trouver la mort durant l’attaque des androïdes. Il ne s’était même pas inquiété pour eux. Se fichait pas mal de leur destinée, désormais. Ou du moins, c’était ce qu’il pensait. Jusqu’à ce que cette voix cristalline déchire le voile de silence dans lequel il s’était pourtant précautionneusement enveloppé. « Lazar. Tu es vivant. » Pas tout à fait, aurait-il voulu répondre. Mais ses lèvres restèrent obstinément closes. Il se contenta de relever les yeux sur elle. Dessinant ces traits qu’il connaissait par cœur. Qu’il avait si souvent caressé. Embrassé. Et si le Lazar d’autrefois aurait frémi à la simple présence de Windsor, son âme resta pourtant entièrement froide. La vie l’avait quitté. Il n’était plus qu’une carcasse désespérément vide. Seulement animée par la motivation de vengeance la plus cruelle, la plus impie. « J’ai eu de la chance. » Il haussa les épaules. Comme si ce n’était rien. Comme si les leurs n’étaient pas tombés par dizaines. Comme si personne n’avait connu de perte, hormis lui. Pour la première fois de son existence, il sentit le poids de l’égoïsme tomber sur lui. Autrefois, il lui aurait demandé comment se portaient les autres Windsor. Autrefois. Mais pas aujourd’hui. Bien entendu, une infime part de sa personne se réjouissait que Neith soit toujours de ce monde. Parce que cet amour était bien trop profondément gravé sous sa peau pour pouvoir disparaître entièrement. Mais son cœur était si oppressé par ses émotions les plus violentes qu’il avait bien du mal à s’exprimer, à reprendre le contrôle. Alors, il se comportait comme un Etranger. Comme un idiot n’entendant même pas les trémolos d’inquiétude dans la voix de la sylphide. Pouvait-elle ramener sa mère ? Non. Alors pourquoi devrait-il lui accorder de l’importance ?
Parce que.
Parce que fût un temps où c’était elle et lui contre le monde et rien d’autre.
Et parce que cette ère ne connaîtrait jamais de fin.
Des virages, peut-être.
Mais jamais de conclusion.
« Ma mère est morte. »

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Le silence règne en main de maître. Malgré l'effervescence autour d'eux, malgré les cris et les pleurs qui retentissent comme si le glas venait de tomber, le silence est roi. Cela lui glace le sang. Tout n'est que silence, comme si le bouton pause venait d'être pressé. Et Dieu sait qu'elle aurait aimé appuyer dessus plus d'une fois alors qu'elle se perdait dans ses bras. Il avait été son oxygène, et cela faisait des années que la poupée était en apnée. Le mutisme, dans lequel ils s'étaient tous les deux réfugiés, faisait peur à voir. Il existe plusieurs silences, et celui-là n'était pas de ceux dont on pourrait se réjouir. Pour autant, le vacarme de son coeur n'avait cesse de heurter les parois de sa cage thoracique. Neith déglutit, alors qu'enfin leurs regards se croisent. Mais une étincelle venait de s'éteindre, et elle se noierait presque dans le désespoir du brun. Il était bien vivant, mais que restait-il de lui en dehors de cette carcasse qu'il peinait à transporter ? La poupée l'avait remarqué à l'instant où ses perles émeraudes avaient plongé dans les iris de Lazar. Malgré les années qui se sont écoulées, malgré la distance qui s'est installée, rien n'avait réellement changé. Elle le connaît parfaitement. Son âme n'a pas de secret pour la Windsor. Tout simplement parce que séparément, ils ne sont que la moitié d'un tout. Ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre. S'il venait à mourir, elle dépérirait certainement jusqu'à succomber à son tour. La tristesse dans son regard frappe Neith de plein fouet. Elle vient de se prendre une claque qu'elle n'oubliera pas de si tôt. Sa bouche est finement scellée, parce qu'elle ne sait pas quoi dire qui pourrait apaiser le chaos qui règne dans son esprit. Elle ignore ce qu'il s'est passé pour qu'il revienne aussi brisé, mais elle se donne la mission sacrée de tout faire pour colmater ce nouveau vide.
La gamine vacille, tangue. Elle essaye de ne pas faire naufrage dans ce silence étouffant. Elle n'ose pas avancer, par peur de s'effondrer, par peur de se briser face à un mur. Pourtant, elle en crève. Neith se pince les lèvres jusqu'à sentir un goût de fer sur sa langue. Les mètres qui la séparaient de Lazar semblaient être un no man's land infranchissable, insurmontable. Mais, elle aurait souhaité plus que tout le prendre dans ses bras, et enfin voir le temps s'arrêter. Finalement, c'est lui qui vient briser le calme accablant. De la chance. Elle oserait presque laisser un rire incontrôlé effleurer ses lèvres, mais il n'en est rien. Son insolence est toujours présente, et elle peut sentir un maigre espoir se former au creux de son ventre. La poupée peut sentir son corps se mettre à trembler, et machinalement, elle baisse sa tête, rompant le contact visuel insoutenable. Elle serre difficilement ses poings, avant de venir frotter la paume de ses mains contre ses hanches. Elle frotte ses doigts entre eux pour canaliser son état. Neith continue à déglutir difficilement. Elle a l'impression de mourir à petit feu, de s'éteindre autant qu'il venait de s'éteindre. Engloutie dans les abysses d'un passé dévastateur, d'un amour destructeur. La princesse finit par relever son visage. Ses iris balayent chaque parcelle de la silhouette de l'amour de sa vie. Ne pouvoir rien faire face à son désespoir a le don de la rendre malade. Quand il souffre, elle souffre avec lui. Parfois, elle se dit que cette empathie causera sa perte. Mais si le prix de sa salvation était sa propre damnation, alors elle ne prendrait pas la peine de réfléchir.
Puis ce fut les mots de trop. Le coup de poignard droit dans son coeur. Elle manque de tomber la poupée désarticulée. Sa mère est morte. Elle avait envie de crier à l'injustice, parce que s'il y avait bien une personne sur cette Terre en friche qui ne méritait pas ce sort funeste, c'était bien elle. Instinctivement, elle fait plusieurs pas vers lui, avant de se raviser. Sa main se laisse tomber dans le vide. Elle ne sait pas quoi dire. Neith veut simplement le prendre dans ses bras et ne plus jamais le lâcher. Mais il n'y aurait rien de raisonnable. — Je.. Les mots restent coincés dans sa gorge bien trop sèche. Le bien et le mal se battent dans son esprit, rendant la situation insupportable. Son génie est en train de prendre l'ascendant sur elle, et elle hait cette sensation. Son esprit la démange plus que jamais. Ses ongles s'enfoncent de nouveau dans les paumes de ses mains, appuyant un peu plus sur les marques ensanglantées qui s'y trouvaient déjà. La douleur lui arrache une grimace. — Je suis désolée. Rien de ce qu'elle ne lui dira, pourra ramener sa mère, rien. Mais elle se devait de tenter quelque chose, même si ça n'était rien. C'était toujours mieux que ce néant qui s'intensifiait entre eux. Elle ne pouvait pas le laisser sombrer encore. Dans un geste un peu trop spontané, elle s'avance, parcourant les quelques mètres qui les séparaient. Sa main vient trouver la sienne. La caresse est tendre, douce et fragile à la fois. — Je suis là. Et aussi longtemps que tu le voudras, aurait-elle aimer lui dire. Mais elle savait que cette promesse ad vitam aeternam, elle ne pourrait la tenir. Mais tant qu'ils restaient dans leur bulle, tant que l'heure restait figée, alors rien de mal ne pourrait leur arriver.

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neith & lazar

†

« Je … Je suis désolée. » Trois mots. Qui n’avaient absolument aucun sens. Pas à ce moment précis, du moins. Ce n’était pas de compassion dont l’impétueux avait besoin. C’était d’une machine à remonter le temps. D’un moyen de pouvoir faire l’impossible. De pouvoir ramener à la vie une personne chère. Que Neith se mette à genoux, lui offre toute sa force, tout son amour. Cela ne pouvait rien changer à la situation actuelle. Il se retrouvait bien seul en ce bas-monde. Comme en pleine autarcie au beau milieu de la foule. Et alors même qu’il avait devant les yeux tout ce qu’il avait toujours désiré, il restait froid. Impassible. De glace. Bloc de marbre fait de chairs. Combien de fois avait-il rêvé, auparavant, d’une scène pareille ? Retrouvailles parfaites, connivence infinie. Les étincelles de bonheur au fond des yeux, les papillons dans les entrailles et le bonheur dans le cœur. Pouvoir de nouveau l’embrasser à en perdre haleine, caresser ses boucles de feu, se fondre dans sa peau de velours. L’aimer à en avoir mal au ventre, à l’âme, à la mâchoire. L’aimer par-dessus tout, jusqu’à en perdre haleine, jusqu’à en devenir fou. Comme autrefois. Mais Lazar n’était plus cet homme. Et il doutait de pouvoir le redevenir un jour. Malgré toute la bonne volonté du monde. Malgré tous les sentiments les plus forts qui puissent exister, en ce bas-monde. Malgré elle, leur passé commun et ces sentiments qui continuaient de les animer. Il allait de nouveau s’enfoncer dans les tréfonds de ses ténèbres intérieurs, le furieux. Il le sentait. Se savait au bord du précipice infernal. De celui qui menaçait de l’engloutir tout en entier. Il devenait aveugle au monde extérieur, Lazar. Comme cerné par des ombres mouvantes. Entouré de démons prêt à s’emparer de son âme pour lui donner un mince et ridicule espoir. Et ces créatures de Satan se nommaient la Main. « Je suis là. » Encore une fois, des mots qui glissaient sur sa carcasse sans pour autant pénétrer sous son armure faite d’acier. Il était seulement focalisé sur ses propres douleurs, l’Orlov. Comme déconnecté du monde qui fourmillait autour de lui. Il revoyait sans cesse cette scène diabolique. Ce moment où son univers entier avait basculé. Il n’arrivait pas à se l’ôter de la tête. Malgré tous ses efforts. La seule chose qui l’empêchait d’afficher un visage complètement décomposé devant la sylphide était sa sécheresse intérieure. Aussi bien physique que spirituelle. Il avait tant pleuré qu’il n’avait plus une seule goutte capable de s’écouler le long de ses joues de porcelaine. Il se sentait partir. Mais brusquement, ce fût comme si une ancre venait le rattacher à ce même monde auquel il n’était plus certain de vouloir appartenir. Une peau contre la sienne, dans une caresse d’une infinie douceur. Premier contact humain bien réel depuis ce qui semblait être un siècle. Peut-être même un millénaire. Lentement, il redressa la tête, le malheureux. Planta ses yeux foncés dans ceux, plus clairs, de la Windsor. Ou plutôt de la Bettencourt, même si elle n’en serait jamais réellement une, pour lui. Ce n’était rien, une simple main sur la sienne. Si infime, presque risible, carrément dérisoire. Et pourtant ô combien salvateur. C’était comme si ce simple contact avait le pouvoir infini de le ramener à la vie. Ou du moins, de tenter de le remettre dans le droit chemin. C’était comme si ses yeux s’ouvraient de nouveau. Comme s’il avait de nouveau les deux pieds dans cette réalité structurale. « Neith … » C’était un murmure, à peine un soupir. Presque inaudible. Une plainte désespérée. La supplication d’un mourant qui en appelait à une figure déifique aux pouvoirs illimités. A cet instant précis, la douleur était un peu moins sourde. Un peu moins insupportable. Les souvenirs obscurs se dégageaient de son champ d’horizon alors qu’il caressait des yeux ces traits qu’il avait chéri avec tant de ferveur. « Ma mère, elle est … » Ce n’était qu’une énième répétition de ce qu’il savait déjà. Sauf que cette fois, c’était l’humanité à l’intérieur de lui qui s’exprimait. Et non pas le fantôme, la carcasse vide, le mort-vivant. « Je sais pas … Je sais pas comment je vais faire … » Des jours qu’il n’avait pas prononcé autant de mots d’une traite. Mais elle était là. Enfin. Son ange gardien à lui, grand amour de sa vie, lumière de ses nuits. Sa seule chance de salut, de pouvoir peut-être guérir. Mais cet instant était si parfait qu’il en semblait presque irréel. Ils étaient là, enfin réunis après des multitudes d’obstacles. Leurs doigts entremêlés et un souffle apaisant dans le cœur. Alors même que son monde tombait en lambeau. Terrible confusion dans les pensées de Lazar, qui ne savait plus quelle voie prendre. En proie aux tourments les plus incisifs. « Et toi, t’es là et moi je … » Il en perdait ses mots, n’arrivait pas à formuler quelque chose de cohérent. Trop de torrents d’émotions déferlaient en lui alors qu’il s’était sciemment coupé de ces dernières depuis quelques temps déjà. « Je t’aime, mais j’peux plus … J’peux plus Neith, tu comprends ? »
Cela sonnait comme un aurevoir.
Cela y ressemblait beaucoup.
Mais cela était pourtant impossible.
Ce n’était pas la fin pour eux.
Pas encore.
Pas tout de suite.

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La scène semblait irréelle tant elle était inattendue. La princesse n'avait plus rien de royal. Elle n'était plus qu'une poupée de chiffon, déchue de son trône bancal. Elle n'était plus qu'un souvenir glorieux tombé en lambeaux. Jamais l'Histoire n'avait semblé si réelle à ses yeux, si proche, bien trop proche. Les manuels n'avaient jamais su retranscrire le désespoir, la terreur, le sang et les larmes. Ils n'avaient jamais su, jamais pu lui apprendre à quel point la guerre pouvait tuer de l'intérieur tout en laissant le corps intact. Et Neith l'avait appris à ses dépends. L'hémoglobine pouvait bien couler, la chair pouvait bien se déchirer. Rien n'était comparable à la douleur lancinante qui vient se fracasser contre la paroi fébrile de sa cage thoracique. Et dans tout ce vacarme, il y avait lui. Tout autant amoché, tout autant brisé. Une carcasse vide de toute âme, voilà ce qu'elle avait face à elle. Mais il ne peut pas se perdre sur un chemin qui n'est pas le sien. Elle ne peut pas le perdre ainsi. Il était préférable qu'il meurt, plutôt qu'il ne vive qu'à moitié. Pourtant, elle le sait, elle ne peut pas venir combler ce vide béant, elle ne peut plus. Neith a perdu ce droit, il y a bien des années. L'anneau doré, autour de son annulaire, est là pour le lui rappeler. Mais leur histoire n'aurait jamais pu fonctionner. Tout a toujours été voué à l'échec entre eux. Le poids des classes était bien trop lourd pour deux gamins en mal d'amour. Pourtant, entre eux, tout était pur, tout était sincère. Neith se rappelle encore des mots d'amour qu'ils griffonnaient sur des morceaux de papier. Elle se souvient de la sensation au creux de son ventre lorsqu'il posait ses lèvres sur les siennes. La poupée aimerait retourner en arrière, juste le temps d'un instant, et revivre ces moments si précieux.
Mais la réalité vient les rattraper. Il est là, la mort aux trousses. Et elle, l'âme en peine. Deux imbéciles qui ne savent pas s'aimer. Instinctivement, sa main vient trouver la sienne, comme une danse qu'elle connaît sur le bout des doigts. Le contact de sa peau sur celle de l'Orlov eu pour effet de le sortir de sa torpeur. Leurs iris se toisent de nouveau, et elle pourrait presque y voir une lueur d'espoir passer brièvement dans ses yeux. Lorsqu'il entrouvre enfin ses lèvres, c'est pour prononcer son prénom. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne l'avait pas entendu dans sa bouche. Les deux âmes perdues se toisent alors qu'elle pouvait ressentir toute la détresse du brun. Cela la frappait de plein fouet, comme une claque restée en suspend pendant des années. — Tu y arriveras. Je serais là. Autant qu'elle le pourrait, et que ceux qui colporteraient des ragots aillent au diable, ou mieux encore à la main. La poupée ne pouvait décemment pas le laisser sombrer alors qu'il venait de perdre l'unique repère de son existence. Neith déglutit lentement. — Sshh. Son intonation était douce, bien trop douce alors que le chaos régnait de toute part. Ses doigts se resserrent un peu plus contre les siens. La Windsor sentait son coeur se briser face au tableau noir qui se peignait sous son regard. Elle sait pertinemment qu'elle l'aime encore, et qu'elle l'aimera toujours. Peut-être qu'un jour, dans un autre monde, dans une autre galaxie, ils pourront vivre cet amour comme ils l'ont toujours souhaité. Peut-être qu'ils s'enfuiront, peut-être qu'ils s'aimeront jusqu'à s'en brûler les ailes.
Puis, ce fut les mots de trop. Ceux qu'elle redoutait d'entendre, ceux qu'il n'avait jamais réellement prononcé alors que les amants maudits avaient pris des routes opposées. Instinctivement, sa main lâche la sienne, pour retomber dans le vide, une nouvelle fois. Neith était prête à lui dire qu'ils pouvaient réessayer, qu'elle crevait, littéralement, sans lui. Mais il ne pouvait pas. Et elle ne comprenait pas. — Je vois. Son myocarde se déchire lentement, juste assez pour qu'elle puisse sentir la douleur irradier tout son corps. — Tu dois encore être sous l'émotion de ce que tu as enduré. Je comprends. Je .. Peut-être que je devrais te laisser, que tu puisses rester un peu seul. Pourquoi avouer qu'il l'aime encore, si c'est pour tout abandonner la seconde suivante ? Neith ne veut plus de ça. Elle ne veut plus d'adieux, d'au revoir, plus de coeurs qui se brisent.

hj : 800è message pour #neizar c bô

LET ME DIE FIRST OF I WILL DIE TWICE

neith & lazar

†

« Tu y arriveras. Je sais là. » C’était de simples paroles. Des mots murmurés d’un ton rassurant. Pas d’actes, rien que des propos qui ne pouvaient pas guérir. Ces mots n’avaient pas ce pouvoir, au plus grand damne de l’humanité. Et pourtant. Pourtant, ce fût comme une brise fraîche qui souffla sur son âme asphyxiée. Comme un pansement de fortune venant se déposer sur son cœur meurtri. Neith avait toujours eu cet effet-là, sur lui. Elle savait apaiser ses peines et ses tourments, d’un simple geste, d’un infime regard. Et ses encouragements venaient s’implanter au plus profond de son être tourmenté et peiné. Comme une lueur d’espoir, minuscule mais pourtant présente, au beau milieu de l’obscurité. Comme une ancre à quoi se raccrocher, pour l’empêcher de dériver. Et de se perdre. Une bonne fois pour toute. Peut-être le dernier fil qui le reliait encore à ce fragment d’humanité qui refusait de dépérir. « Sshh. » Il aurait voulu fermer les yeux, l’Orlov. Oublier le monde entier et ne plus se concentrer que sur la voix cristalline et envoûtante de la Windsor. Laisser le temps et le monde couler autour de lui pour ne plus l’entendre qu’elle. Sa boussole dans ce monder incertain et précaire. Mais cet instant hors du temps, trop parfait pour être réel, trop exceptionnel pour rester dans la durée, s’évanouit aussi vite qu’il était arrivé. De nouveaux, des nuages dissimulèrent le soleil. Et la peine retomba sur son âme mortifère. Le chagrin, la colère et l’impuissance reprirent leurs pleins pouvoirs sur lui. De nouveau, les espoirs s’envolèrent, balayés par des tempêtes infernales. Ce fût la nuit pleine, sombre et effrayante. Et lui, seul au milieu de tout cela. Avec les simples propos péremptoires et corrupteurs de la Main. Etait-ce donc tout ce qui lui restait, à présent que le plus important s’en était allé ? « Je vois. Tu dois encore être sous l’émotion de ce que tu as enduré. Je comprends. Je … » Ce rapprochement n’avait été qu’une illusion. Une brève parenthèse dans son existence emplie de lamentations. La réalité, abrupte, infâme, était de retour. S’imposait violemment à sa perception. La différence de classes, son mariage récent, toutes ces impossibilités qui faisaient qu’ils ne pouvaient être ensemble. Plus maintenant. Ou du moins, pas dans cette réalité. « Peut-être que je devrais te laisser, que tu puisses rester un peu seul. » Une partie de lui voulait acquiescer, lui ordonner de s’en aller, de fuir, loin de lui. Pour son propre bien à elle. Il était un vecteur de malheurs, de mauvaises ondes. Et il ne voulait pas de ça pour elle. Jamais. Se complaire dans le malheur, c’était le truc de Lazar. Neith était trop belle, trop pure, trop parfaite, véritable étoile filante, pour mériter cela. Cependant, une autre partie de lui désirait plus que tout qu’elle reste. Encore un peu. Rien qu’un peu. Pour que la peine soit moins présente. Juste quelques instants. Faire que cela puisse durer. Quelques minutes de plus. Des instants d’éternité qu’il pourrait ensuite garder en mémoire pour toujours. Pour les jours les plus sombres. Pour ceux durant lesquels l’envie de sombrer serait plus grande que tout. Il ne répondait rien, Lazar. Laissait le silence s’éterniser. Pour ne pas avoir à donner de réponses. Pour ne pas trancher, entre sa part la plus claire et sa part la plus sombre. « Neith … » C’était un appel, une supplication, alors que les mots lui manquaient. Il y avait tellement de choses qu’il aurait voulu lui dire, pourtant il restait obstinément muet. Il l’aimait, la désirait plus que tout, voulait qu’elle reste en dépit de toutes les intempéries de son existence. Mais avait-il encore le droit de prétendre à cela ? Alors même que son âme était calcinée et que ses perspectives d’avenir se réduisaient à néant. « Je suis désolé. » Trois pauvres mots bien dérisoires, en comparaison à ce que la sulfureuse rousse pouvait faire naître au fond de son âme. « Je suis complètement perdu, je ne sais plus qui je suis, ce que je dois faire. C’est comme si les émotions s’affaiblissaient, jusqu’à disparaître. Comme si j’étais en train de m’éteindre, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. » Il haussa les épaules, s’affaissant encore un peu plus sur lui-même. Jusqu’à prendre sa tête entre ses deux mains. « Et toi t’es là, mais t’es inaccessible. Mariée, Windsor, Bettencourt. C’est toujours la même histoire. On est la preuve vivante, maudite, que les différences ne s’estompent pas toujours. Et ça me fend le cœur de te voir. De ne pas te voir également. » Et puis, finalement, il releva les yeux. Les planta dans ceux, adorables, de la sylphide tant aimée. « Je suis en train de crever, Neith. »

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